Injecter du gaz naturel « vert » (du biométhane) dans le réseau est possible depuis 2011 mais c’est vraiment cette année que le procédé a décollé en France, même si les projets ont encore parfois du mal à se financer.
Depuis mardi, une station d’épuration des eaux usées à Strasbourg injecte dans le réseau le gaz qu’elle dégage du traitement de ses boues d’épuration. C’est la première en France à mettre en place ce procédé autorisé depuis mai dernier.
Jusqu’ici, le biogaz injecté dans le réseau provenait des unités de biométhane traditionnelles qui valorisent des déchets organiques agricoles ou urbains.
L’injection de gaz naturel est possible depuis 2011 en France. C’est le Centre de valorisation organique (CVO) de la métropole lilloise qui a été le premier, en juin 2011, à se lancer. « En 2013, on injectait 835.000 m3 dans le réseau, et le biométhane alimente aussi des bus », explique Bernard Debreu, vice-président de la Métropole, en charge de la propreté.
Un décollage timide mais significatif du biométhane en France
Quatre ans plus tard, seuls 13 sites de méthanisation pratiquent ce procédé et parmi eux, 7 ont été mis en service rien que depuis le début de l’année.
« C’est un décollage en douceur, mais significatif », commente Olivier Theobald, ingénieur à l’Ademe au service mobilisation et valorisation des déchets.
Si le démarrage a été « timide » jusqu’ici, juge Charlotte de Lorgeril associée au cabinet Sia Partners, c’est à cause des délais techniques et administratifs « particulièrement longs » pour faire aboutir les projets, trois ans au minimum.
D’ici la fin de l’année, la France devrait compter « environ 20 sites« , selon Catherine Foulonneau, directrice stratégie territoire de GrDF, le gestionnaire du réseau de distribution de gaz, qui gère la majorité des tuyaux dans lesquels le biométhane est injecté.
Et les ambitions hexagonales sont importantes. La loi sur la transition énergétique fixe un objectif de 10% de biogaz dans la consommation française de gaz naturel en 2030.
Les 13 sites actuellement en service produisent 131 gigawattheures/an, l’équivalent de l’énergie nécessaire pour chauffer près de 11.000 foyers et faire rouler 580 bus.
Le potentiel français en matière d‘injection de gaz naturel est là. L’Ademe l’estime entre 12 et 30 térawattheures par an, soit l’énergie nécessaire pour chauffer 2,5 millions de foyers et alimenter 55.000 bus et camions, selon GrDF.
« Les 240.000 kilomètres de canalisations de gaz assurent un maillage particulièrement dense du territoire, ce qui augmente les possibilités de raccordement en limitant les coûts », explique Charlotte de Lorgeril.
La France, première agriculture d’Europe, possède également un potentiel de matière méthanisable important, auxquels s’ajoutent des déchets industriels et ménagers.
Ainsi, GrDF s’est donné comme objectif de connecter 100 sites au réseau en 2018. Le gestionnaire de réseau a été sollicité pour près de 380 projets actuellement à l’étude, dont 120 sont au stade de l’étude détaillée.
– 1,5 milliard d’euros d’investissement –
La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal inaugure une station d’épuration qui produit du gaz de ville, le 8 septembre, à Strasbourg © PATRICK HERTZOG AFP
Mais il reste encore des « freins majeurs » à lever pour attirer les financements vers ces projets, prévient Charlotte de Lorgeril, car « la croissance actuelle est deux fois moins forte que nécessaire ».
Elle cite notamment la simplification administrative, amorcée avec la mise en place d’une autorisation unique, et un ajustement des tarifs d’achat du gaz produit.
Sia partners a évalué les investissements nécessaires à 1,5 milliard d’euros d’ici 2020 à la fois auprès des banques, des fonds d’investissements et des entreprises.
Il faut « rassurer les banques », et cela passe aussi par « une professionnalisation et une montée en compétence de la filière, et par l’adaptation des technologies aux spécificités françaises », ajoute Catherine Foulonneau.
Dans cette optique, le lancement de l’injection de biogaz à partir des stations d’épuration est prometteur.
Si le potentiel est modeste – autour de 2 térawattheures/an – « l’intérêt des stations d’épuration c’est qu’elles sont au coeur des villes, parfois à proximité de zones industrielles et donc dans des zones où il y a un réseau de gaz », défend Olivier Theobald.
Source de l’article Le Point.fr | Auteur Marie HEUCLIN – AFP | Le