Le gaz vert débarque dans les gazoducs de l’Hexagone

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GRTgaz a mis en service le plus gros site d’injection de gaz vert. Les nouveaux projets ont du mal à trouver des financements.

Thierry Trouvé avait le sourire, jeudi, malgré la pluie battante qui inondait le site industriel de Chagny, en Saône-et-Loire. Le patron de GRTgaz, la filiale d’Engie qui gère les gazoducs d’une bonne partie de l’Hexagone, assistait à la première injection de gaz naturel dans le réseau de transport de gaz français. Un projet complexe, qui a nécessité un investissement de 44 millions d’euros et dix ans de préparation. Il s’agit de transformer les déchets ménagers de la région en biogaz grâce à un processus de méthanisation, puis de purifier ce biogaz pour obtenir du biométhane, de qualité équivalente au gaz naturel qui circule dans les réseaux. «  C’est à ce jour le plus gros projet de ce type en France », précise Thierry Trouvé.

A elle seule, l’installation produira 28 gigawattheures de gaz par an, qui seront achetés par Terreal, soit l’équivalent de la consommation de 2.500 foyers par an. L’industriel est partie prenante du projet depuis l’origine, pour son usine voisine de tuiles en terre cuite. «  Nos tuiles doivent être cuites à 1.000 degrés, notre consommation d’énergie est énorme, explique François Amzulesco, directeur de l’innovation de Terreal. Nous avons fait le choix du biométhane il y a dix ans, lorsque la nécessité de réduire nos émissions de CO2 à l’avenir est clairement apparue.  » Le gaz vert représentera le tiers de la consommation de gaz de l’usine.

Comme Terreal, les utilisateurs de gaz sont de plus en plus nombreux à croire au gaz renouvelable. Ikea ou Carrefour utilisent du « bio GNV (gaz naturel véhicule) » issu du biométhane, dans leurs véhicules. Cofely achètera du biométhane pour un réseau de chaleur à Outreau. La ville de Bourg-en-Bresse impose à ses fournisseurs de gaz une part de biométhane de 3 %. «  Du coup, les fournisseurs de gaz, comme Total Energie Gaz, Engie ou Direct Energie, achètent du biométhane pour leurs clients  », indique Julien Schmit, responsable du projet chez GRTgaz.

Un réel intérêt des consommateurs et des pouvoirs publics

De quoi doper la filière, qui a démarré il y a deux ans et commence à émerger. Quatorze installations de biométhane sont désormais opérationnelles, qui injectent 131 GWh de biométhane par an dans les réseaux de distribution de GrDF, plus petits que les gazoducs de GRTgaz. Ségolène Royal en a inauguré une à Strasbourg la semaine dernière. Une autre doit démarrer lundi à Hénin-Beaumont.

« Il y a un réel intérêt aussi bien de la part des consommateurs que des pouvoirs publics, c’est une bonne nouvelle », témoigne Aurélien Lugardon, du cabinet d’ingénierie Naskeo. Ségolène Royal a loué les vertus de la filière à Strasbourg, et a intégré à la loi sur la transition énergétique un objectif de 10 % de biométhane dans les réseaux en 2030. GrDF, qui compte près de 400 projets à l’étude, table sur 100 installations en fonctionnement en 2018. GRTgaz estime que 3 à 5 nouveaux projets se concrétiseront sur son réseau chaque année, à partir de 2016.

Reste à convaincre les banques, qui sont réticentes à apporter les financements nécessaires. «  Nous travaillons sur une vingtaine de projets, seul un va se concrétiser pour l’instant !  » regrette Aurélien Lugardon. Le biométhane bénéficie d’un tarif d’achat garanti depuis 2011, mais les professionnels le jugent un peu insuffisant. Ils espèrent que le gouvernement, qui a revalorisé le tarif d’achat de l’électricité issue du biogaz « classique », fera un geste pour le biométhane. «  Le dossier est ouvert  », assure l’un d’eux.

Source de l’ article Les Echos | Auteur Anne Feitz |