A Valenton, les eaux usées deviennent du carburant

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Il y a trente ans, le film « Retour vers le futur » imaginait une voiture roulant aux épluchures. Aujourd’hui, si elle passait par Valenton (Val-de-Marne), elle roulerait aux eaux usées. La station d’épuration locale, une des six du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), expérimente une première : le procédé BioGNVAL de la start-up Cryo Pur, qui permet de convertir les boues d’épuration en gaz naturel liquéfié (GNL ou biométhane liquide) utilisable comme carburant pour les véhicules et en CO2 liquide, commercialisable par exemple auprès de l’industrie frigorifique.

L’installation pilote fonctionne avec succès depuis l’an dernier. Elle a été promue « démonstrateur industriel » et présentée comme tel le 9 mai par le SIAAP, Suez (l’exploitant de la station) et Cryo Pur à Chantal Jouanno, vice-présidente de la région Ile-de-France, et Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris.

Liquéfaction par le froid

Les stations d’épuration maîtrisent depuis des années la méthanisation des boues issues des eaux usées pour produire du biogaz… Mais, que faire quand le réseau est trop loin pour un raccordement au gaz naturel de ville ? C’est tout l’enjeu du démonstrateur BioGNVAL, qui cryogénise le biogaz pour produire du GNL. La liquéfaction le rend transportable et utilisable en carburant.  « Le froid (- 125 °C) sépare les molécules et enlève le CO2 du méthane. Cette température permet de liquéfier et l’originalité du procédé est d’être intégré : il réalise en même temps la liquéfaction et l’épuration du biogaz », explique Denis Clodic, ancien directeur de recherche de Mines ParisTech et fondateur de Cryo Pur.

Le constructeur de poids lourds Iveco a travaillé sur l’adaptation des moteurs, et un bus ainsi qu’un camion fonctionnent déjà sur site avec ce biocarburant.  « Il assure aux poids lourds une autonomie de 800 kilomètres », précise Denis Clodic.

Valenton reste un démonstrateur. Sur 800.000 mètres cubes d’eaux usées par jour entrant dans la station, moins de 10 % sont converties en biométhane. Suez s’est allié à Cryo Pur pour ce test et réfléchit à une montée en puissance, mais sans calendrier à ce stade. Le passage de BioGNVAL à l’échelle industrielle devrait a priori se faire hors de France, au vu des contacts commerciaux actuels de la start-up (lire encadré). Il y a de la demande, car  « avoir un seul processus – ce qui est une première mondiale – pour à la fois purifier le biogaz et le liquéfier permet que l’unité de liquéfaction soit très petite, donc l’investissement modique. Cela rend économiquement viable de traiter de faibles volumes, comme c’est toujours le cas pour une station d’épuration, souligne Denis Clodic.  C’est une rupture par rapport aux 150 unités de liquéfaction de gaz existant dans le monde, qui, en raison de leur procédé traditionnel, coûtent de 1 à 2 milliards d’euros chacune et traitent de 30.000 à 50.000 m3 de biogaz par heure », contre de 70 à 2.000 m3/heure pour BioGNVAL, qui coûte 4,8 millions d’euros pour une capacité de 1.500 m3/heure et 1,1 million d’euros pour 150 m3/heure. L’installation ne fait alors que 5 mètres sur 20 mètres et est transportable.

Source de l’article Les Echos.fr l Auteur MYRIAM CHAUVOT