ExpoBiogaz : dans les starting-blocks pour 2030

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La 4e édition d’ExpoBiogaz satisfait les exposants par sa fréquentation. L’édition 2017 se tiendra à Bordeaux.

Renforcée par son développement au cours de ces dernières années, la filière biométhane se structure autour d’un think tank.

Lancée en mars dernier, France Biométhane, présidée par Cédric de Saint-Jouan, PDG de Vol V, une entreprise basée à Montpellier qui œuvre depuis vingt ans dans le secteur des énergies renouvelables, veut jouer ce rôle. Elle rassemble à ce jour une douzaine de membres fondateurs.

Parmi eux figurent des entreprises de taille internationale, comme Air Liquide, mais aussi des acteurs nationaux – la Banque Populaire, l’opérateur Evergaz, des représentants des réseaux gaz GRT Gaz et GrDF, la start up Cryo Pur créée par Denis Clodic – ainsi que le cabinet conseil en investissement Sia Partners et l’économiste Philippe Chalmin.

« Les activités autour du biométhane sont compliquées, et ce think tank a pour principal objet d’être didactique », explique Cédric de Saint-Jouan.

Cédric de Saint-Jouan et Simon Clodic, respectivement président et secrétaire de France Biométhane. Ce think tank veut convaincre les décideurs de l’intérêt de cette énergie renouvelable.

Être didactique

Que ce soit par son site internet et ses interventions, France Biométhane veut toucher le grand public, les politiques, les pouvoirs publics, ainsi que les acteurs économiques.

Parmi les arguments qu’elle porte, figure en premier lieu la création d’une activité structurante. « Le biométhane constitue un nouveau marché », renchérit-il.

« À la différence d’autres énergies renouvelables, le biométhane est stockable, non intermittent, et il n’entre pas en concurrence avec les autres acteurs nationaux ; au contraire, on le renforce. »

Il souligne aussi qu’il s’agit là d’une des clés d’entrée dans une économie circulaire : les activités économiques – agriculture, industrie – et le bâtiment sont producteurs de déchets exploitables en méthanisation, et la production – biométhane, CO2, digestat – revient à ces “fournisseurs” : gaz dans les réseaux de distribution, argument technique pour les bâtiments Bepos ou passifs, amendement pour les sols…

Facteur 100 pour 2030

Si la loi de transition énergétique à fixé le cap de 10 % de biogaz dans les réseaux en 2030, la filière doit cependant s’approprier ses atouts. Car, avec une capacité actuelle de 300 GWh assurée par 21 sites d’injection, l’ambition à terme suppose de multiplier les moyens par 100 !

Déjà, sur ExpoBiogaz, Valérie Bosso, chef de projet Biométhane chez GrDF, annonçait une centaine de sites d’injection pour 2018.

Mais, en premier lieu, Cédric de Saint-Jouan demande aux préfectures d’aider les investisseurs en autorisant les sites de méthanisation et l’injection.

Aux fournisseurs de matières organiques, il demande l’accélération de la mise en place du tri des déchets dans les activités capables de fournir au minimum 10 tonnes par an – soit un restaurant de 180 couverts par jour ; cette mesure est en réalité obligatoire depuis ce début d’année.

Financer des activités sensibles

Côté pouvoirs publics, Cédric de Saint-Jouan leur propose de reprendre les débats sur les contrats d’achat : il milite pour un passage de 15 à 20 ans, ce qui permettrait aux banques de financer sur 18 ans au lieu de 13 généralement.

Par ailleurs, il attend avec impatience la mise en place, par la Banque Européenne d’Investissement (BEI), du mécanisme de garantie des prêts à hauteur de 50 %. La BEI prépare ce filet de sécurité en sélectionnant les banques partenaires – Crédit Agricole et Crédit Mutuel sont les plus citées.

Cette mesure est importante car, à la différence de l’éolien ou du photovoltaïque, les aléas de production sont plus nombreux et ont des impacts sensibles : gestion des intrants, maintenance… Comme l’a souligné Pierre-Emmanuel Noël, senior banker à la BEI, « une unité de méthanisation, ça se surveille comme le lait sur le feu ! »

Montée en charge oblige, l’objectif est aussi pour ce secteur d’arriver à faire financer sans trop de difficultés des sites dits de « mini-méthanisation » qui réclament cependant des financements d’environ 1 M€.

Les collectivités au centre du jeu

Si les agriculteurs recèlent la plus grande part du gisement à méthaniser, les collectivités locales ont en main les clés du succès de cette boucle vertueuse.

Car la méthanisation est un moyen de modifier sensiblement deux de leurs activités classiques : le traitement des déchets et la gestion de la mobilité urbaine.

S’ajoutent à cela des choix énergétiques et urbanistiques qui impactent sur le bâtiment : quantités d’énergie verte dans les réseaux de chaleur, orientation vers les énergies vertes dans les nouveaux quartiers…

Pour ce qui concerne la mobilité urbaine, le ton est donné par Paris qui va équiper son parc en véhicule au GNV ou électrique ; à tout le moins, le diesel y sera interdit en 2020.

A Strasbourg, la station d’épuration de la Wantzenau a été dotée d’une méthanisation des boues qui produit annuellement 2 Mm3 de biométhane. Le réseau local de gaz achète cette énergie qui est revendue au réseau de chauffage urbain.

Cette dernière complète son portefeuille énergétique qui compte déjà la géothermie et la biomasse, et s’assure ainsi un taux d’énergie renouvelable dans la chaleur distribuée toujours supérieur à 50 % pour offrir une TVA à 5,5 % bailleurs sociaux et autres consommateurs.

Ce qui a pour intérêt de pourvoir « jouer » sur plusieurs tarifs d’énergie selon les opportunités, et surtout de s’affranchir d’un abonnement à coût élevé auprès d’un énergéticien.

D’autres collectivités locales – Grenoble, Quimper, Angers… – sont actuellement en train de s’équiper d’une méthanisation sur leur station d’eau usées.

Sur l’installation parisienne de Valenton, propriété du Siaap et gérée par Suez, la méthanisation déjà existante (20 MNm3/an) vient d’expérimenter un nouvel équipement prometteur : un séparateur de méthane (CH4) et de gaz carbonique (CO2).

Ce démonstrateur nommé BioGNVal repose sur une technologie cryogénique mise au point par Cryo Pur, une start up créée par Denis Clodic, un ingénieur connu dans le domaine du génie climatique.

Par phases successives de compression (15 bars) et de refroidissement (de -90 °C et jusqu’à -120 °C), cette unité purifie le biogaz, récupère et sépare CO2 et CH4.

Le démonstrateur BioGNVal installé sur la station d’épuration du Siaap à Valenton (94) valide une technologie cryogénique de séparation et liquéfaction du méthane et du gaz carbonique issu du biogaz.

Le but est de proposer le bioGNV pour le transport routier et le CO2 pour le refroidissement des remorques frigorifiques, ce sans compresseur, simplement en gérant la détente du CO2 dans un échangeur, puis en le relarguant dans l’atmosphère…

Des unités plus importantes sont en négociation par Cryo Pur au Royaume Uni et en Italie ; des demandes émanent aussi de Nouvelle-Zélande, Indonésie, Californie, des pays scandinaves… Selon sa taille, une telle installation est proposée à un tarif de 1 et 6 M€.

Selon Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), l’une des phases importante pour donner plus d’ampleur à l’exploitation du biométhane sera la discussion sur la prochaine directive européenne “performance énergétique du bâtiment”, attendue pour 2020. Il appelle la filière à faire entrer cette énergie dans ce texte et la faire participer aux projets de construction.

Biométhane, biogaz : ne pas confondre !

Quelle différence, direz-vous ? Que nenni ! Le biogaz est la production brute d’un réacteur biologique.

Le gaz ainsi récolté se compose à 50-60% de méthane, à environ 40% de gaz carbonique (CO2), d’eau, de gaz soufré (H2S) et d’impuretés.

Le biométhane, du CH4 comparable au gaz fossile, est obtenu après traitement du biogaz par filtrage et extraction chimique des impuretés.

Une opération indispensable pour son injection dans le réseau de gaz naturel avec une pureté comparable et contrôlée (97%) ou son utilisation comme carburant pour des autocars, ou des camions.

En revanche, pour alimenter un cogénérateur, le biogaz brut convient

Rouler au biométhane : les constructeurs de poids lourds développent les gammes, et l’intendance suit

Ce qui paraissait pour une démarche d’écologiste il y a quelques année sera certainement un classique du genre très prochainement : rouler au GNV, comprendre « gaz naturel véhicule », et mieux encore au bio-GNV.

Les flottes captives des collectivités locales ou d’entreprises, les réseaux de bus sont déjà nombreux à utiliser ce carburant.

Mais le principal levier de cette évolution est l’application de la norme d’émission Euro 6 aux poids lourds et autocars.

Les tracteurs de remorques routières au diesel auront du mal à tenir les critères de cette norme. Le passage au gaz naturel est l’une des alternatives.

Tous les constructeurs travaillent sur ce sujet. Pour l’instant, ils se sont contentés d’adapter les moteurs déjà exploités sur les autobus – d’au maximum 330 CV. Cependant, fin de ce mois de juin, Iveco lance un moteur de 400 CV au GNV.

Pour sa part, et à la faveur du fort développement des lignes de bus “Macron”, Scania s’apprête à lancer un autocar au GNV.

Pour la filière biométhane, il s’agit là d’un point d’appui pour développer les activités de gaz verts. Et c’est certainement cette perspective qui a conduit Air Liquide à acquérir, fin 2014, le distributeur suédois de GNV FordonsGas.

Air Liquide ouvrira sa première station-service – de GNV “fossile” – près de Nancy, le 21 juin prochain.

Par ailleurs cette entreprise développe son savoir faire en purification du biogaz pour la production de biométhane. Elle a annoncé en avril dernier avoir installé douze de ces unités en un an en Europe, et une cinquantaine dans le monde. L’intégration des activités apparaît cohérente, d’autant qu’une solution de transport au GNV est dite zéro émission dans le cadre d’une économie circulaire.

Iveco propose déjà un tracteur pour poids lourds de 330 CV au biométhane. Une version 400 CV sort fin juin.

Source de l’article Batirama.com l Auteur Bernard Reinteau l Le 09/06/2016