Aujourd’hui, les projets de valorisation du biogaz se multiplient en Europe et en France. Denis Clodic, membre de l’Académie des technologies, co-lauréat avec le GIEC du pric Nobel de la paix 2007, et fondateur de Cryo Pur en 2015, start-up porteuse d’une technologie de rupture de production de biocarburant à partir de déchets organiques, nous explique les enjeux liés au développement de cette nouvelle source d’énergie.
Du biogaz au biométhane : les différents usages
Le biogaz est un mélange principalement composé de méthane et de gaz carbonique, produit spontanément par la fermentation hors oxygène des matières organiques, par des bactéries. Le biogaz contient aussi de la vapeur d’eau et des polluants comme H2S, des composés organiques soufrés, des siloxanes selon la nature des matières organiques. Les sources sont les décharges, les déchets animaux et végétaux, les déchets des industries agro-alimentaires et les boues des stations d’épuration. Le biogaz sec est toujours composé majoritairement de méthane et de CO2 dans des proportions typiques de 60 % méthane et 40 % CO2, les autres composants sont en traces.
Valorisé sous forme d’électricité, de gaz ou de carburant
Selon la valorisation du biogaz, l’épuration va être poussée à différents niveaux pour assurer la durabilité des équipements de combustion et la minimisation des émissions polluantes.Le premier usage consiste à produire de l’électricité via des groupes électrogènes fonctionnant avec un moteur à biogaz. Cela requiert d’éliminer les composés soufrés et les siloxanes qui détruisent progressivement le moteur, mais le CO2 n’est pas éliminé, d’où le nom de moteur à gaz pauvre pour ces moteurs brûlant du biogaz.
Le deuxième usage consiste à injecter le biométhane dans le réseau de gaz naturel. Le biométhane, contenant au moins 97,5 % de méthane, est obtenu à partir du biogaz en éliminant non seulement les composants soufrés, la vapeur d’eau mais aussi l’essentiel du CO2. Le troisième usage est d’utiliser le biométhane comme carburant soit en gaz comprimé soit sous forme liquide, la liquéfaction implique une pureté en méthane qui se situe autour de 99 %.
Plusieurs technologies d’épuration sont en compétition et certaines ciblent essentiellement une famille de polluant : par exemple le charbon actif va être utilisé pour éliminer le H2S et certains siloxanes. Pour extraire le CO2, on va trouver des technologies industrielles connues depuis longtemps, essentiellement la séparation par membrane, par tamis moléculaire, mais aussi par lavage à l’eau froide sous pression. L’enjeu de la compétition entre ces technologies porte sur la pureté du méthane extrait, la perte de méthane lors du traitement et la consommation d’énergie. La liquéfaction du biométhane est une opération supplémentaire qui peut être énergétiquement intégrée lorsque l’extraction du CO2 s’effectue aussi par voie cryogénique.
Le biométhane : un carburant vert
Le biométhane une fois épuré est une énergie renouvelable qui est un combustible très peu polluant : pas de particules, pas de composés soufrés et une émission de CO2 réduite de plus de 95 % compte-tenu de son origine bio-sourcée. Le seul point d’attention porte sur la formation d’oxydes d’azote associés à la combustion mais qui est une des émissions les plus faibles de tous les combustibles, en particulier comparativement au diesel.
Le biométhane est soit injecté dans le réseau de gaz naturel, ses usages sont alors identiques à ceux du gaz naturel, soit utilisé comme carburant. Les usages carburant sont privilégiés pour les bus et les camions de livraison en milieu urbain, afin d’abaisser très fortement les émissions polluantes et pour abaisser l’impact CO2 des poids lourds longues distances, qui peuvent utiliser le biométhane liquide appelé aussi bioGNL. Parallèlement l’usage du gaz naturel carburant se développe, il existe 3 000 stations-services gaz naturel comprimé (GNC) et 75 de gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe. En France, on note un retard en train de se rattraper et il y aura une trentaine de nouvelles stations ouvertes au public d’ici la fin de l’année 2016. Le bio-GNC et le bio-GNL utiliseront bien sûr la même infrastructure de stations-services.
Le biogaz : ressource locale, le biométhane : usage global
Le biométhane est une énergie renouvelable associée à l’activité humaine sur toute la chaine alimentaire, de la phase de culture des plantes ou de la gestion des élevages, à leur transformation dans les industries agro-alimentaires et aux résidus post-consommation. La production de déchets tout le long de ces chaînes est proportionnelle à la population, et l’industrialisation des pratiques induit de nouvelles possibilités de récupération et de traitement de ces déchets. Cette énergie renouvelable est diffusée et associée aux territoires agricoles, aux industries agro-alimentaires et à la gestion des déchets urbains organiques.
Les politiques de développement du biogaz impliquent des politiques locales d’investissements pour favoriser la méthanisation des déchets et les systèmes d’épuration du biogaz. C’est une ressource emblématique de l’économie circulaire, d’autant que la méthanisation contribue à hygiéniser le digestat extrait du digesteur et qui peut être utilisé comme engrais avec des précautions d’emploi. En résumé le biométhane est une énergie renouvelable de production locale et qui se substitue aux combustibles et carburants fossiles.
Les déchets, une ressource à valoriser
Les innovations souhaitables sont aussi bien réglementaires, financières, logistiques, que techniques, sans oublier et peut-être surtout d’intégrer la production de biométhane dans une nouvelle vision du traitement des déchets comme ressources.
Tout d’abord, le biométhane est un carburant qui a besoin d’un tarif « à la pompe ». Ce tarif doit intégrer les gains environnementaux et de substitution aux carburants importés. Ensuite, la logistique du biométhane est double : le réseau de gaz naturel quand il est à proximité et le réseau de stations-services spécialisées. Cette logistique doit bénéficier d’incitations identiques à celles dont bénéficie le biométhane injecté.
Par ailleurs, les projets locaux font l’objet de délais administratifs de l’ordre de 3 à 4 ans mais localement, certaines préfectures ont pris l’initiative d’élaborer un document unique pour éviter l’allongement des délais associés aux diverses instances qui doivent donner leurs autorisations. Ce document unique se doit d’être généralisé et les délais réduits. Le métier de développeur de projet qui prend tout ou partie du risque financier et qui assure la mise en place de la logistique des déchets, de l’investissement sur le digesteur, de l’épuration du biogaz et la logistique du biométhane, doit aussi être conforté par une politique bancaire plus engagée.
L’innovation technologique, enfin, est continue. La compétition entre les technologies vise à diminuer les coûts d’exploitation associés à l’épuration du biogaz et à la liquéfaction du biométhane. Un des défis est celui de la taille des installations. Les constructeurs d’équipements se doivent de concevoir un mini-épurateur ou un mini-épurateur liquéfacteur à la ferme à coût acceptable pour concentrer cette énergie dispersée qui transforme les déchets agricoles en source d’énergie. Ce défi vaut pour la France, l’Europe et en fait tous les pays, en particulier les pays agricoles à faibles ressources en énergie fossile.
Source de l’article Industrie-techno.com l Auteur Denis Clodic l Le 11 Avril 2016