Pour son premier panorama dédié au gaz, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) n’hésite pas à l’affirmer : il est possible d’atteindre les 100% de gaz renouvelable en 2050. Aujourd’hui, ce biogaz est obtenu par méthanisation de déchets végétaux ou organiques dont l’origine peut être variée : agricole, industrielle, restauration, collectivités, décharges… Il peut ensuite être transformé par combustion soit en chaleur, soit en électricité (on parle alors de co-génération), ou encore purifié pour devenir un biométhane. Ce dernier peut être injecté dans le réseau de gaz ou utilisé comme carburant appelé « bioGNV ».
Les principaux acteurs de la filière GRDF, GRTgaz, le SPEGNN (29 entreprises locales de distribution représentant 3% des volumes) et TIGF (transport et infrastructures) se sont regroupés autour de ce rapport pour donner de la visibilité à une filière tout juste émergente et qui ne bénéficie pas de la même notoriété que l’électricité renouvelable.
200 projets en liste d’attente
« Le gaz renouvelable permet tout à la fois d’abaisser les émissions de gaz à effet de serre (celles du gaz naturel et celles des déchets), de diversifier le mix énergétique, d’optimiser la gestion des déchets, et de fournir les agriculteurs en digestats naturels », a rappelé Jean-Louis Bal, président du SER, évoquant également « les forts enjeux locaux en termes d’emplois et de revenus complémentaires pour les agriculteurs. »
A l’échelle nationale, jusqu’à 15.000 emplois pourraient être créés par l’ensemble de la filière biogaz (injection + carburant) à l’horizon 2020, selon les prévisions de l’ATEE (Association technique énergie environnement) Biogaz.
Pour l’heure, ce sont 82 GWh qui ont été produits en 2015 à partir de méthanisation et injectés dans le réseau depuis 17 sites. En hausse de 160% par rapport à 2014, mais, avec 0,02% de la consommation, on reste encore loin des 10% visés en 2030 par la loi de transition énergétique. La programmation pluriannuelle des investissements (PPI) actualisée et validée par le Conseil supérieur de l’énergie le 15 avril dernier confirme ces objectifs et vise 8 TWh injectés à l’horizon 2023.
La capacité aujourd’hui installée est de 279 GWh/an, et 200 nouveaux projets d’injection sont en liste d’attente, certaines régions apparaissant nettement plus avancées que d’autres.
Répartition des sites existants :
Des résultats encore trop faibles
Mais en comparaison de ses voisins européens, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, la France démarre en retard. Cela lui permettra d’aller plus vite en profitant de leurs expériences, veulent croire les acteurs. Et de se montrer plus vertueuse, par exemple, que l’Allemagne, qui a utilisé des terres arables pour cultiver des espèces destinées à la méthanisation.
Globalement, les perspectives de consommation du gaz en France sont plutôt en stagnation, voire en légère régression. Cependant, les nouveaux usages, notamment dans la mobilité pour les plus gros véhicules où la motorisation électrique n’est pas encore au point, compensent les gains d’efficacité observés sur les équipements résidentiels. Autre avantage du gaz renouvelable sur l’électricité pour la mobilité électrique, il n’implique pas d’investissements particuliers sur les réseaux. D’ailleurs, des entreprises comme Carrefour, Ikea ou Biocoop l’utilisent déjà pour leur flotte de livraison. Amenée à se développer, la technologie du « power to gaz » qui consiste à stocker le surplus d’électricité renouvelable en utilisant l’hydrogène, pourrait également contribuer à accroître la production.
En termes de financements, les projets regroupant plusieurs acteurs (agriculteurs, industriels, collectivités, etc.) sont plus complexes à monter, et seraient les premiers à bénéficier d’un fonds de garantie destiné à les « dérisquer » et en abaisser le coût, appelé de ses vœux par le SER. Mais ce n’est pas la seule suggestion de la filière pour accélérer le développement et atteindre les objectifs ambitieux qui lui ont été fixés : étendre aux installations existantes l’éligibilité aux nouveaux tarifs (révisés à la hausse cet automne), prolonger les contrats d’obligation d’achat de 15 à 20 ans, favoriser l’utilisation du biométhane comme biocarburant et, plus généralement, adapter la fiscalité et simplifier les démarches administratives.
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3 QUESTIONS A: Catherine Foulonneau, directrice stratégie et territoires, GRDF
« Il faut travailler sur l’acceptabilité des installations »
LA TRIBUNE – Quel est le rôle de GRDF dans la filière biogaz ?
CATHERINE FOULONNEAU – Nous sommes impliqués à plusieurs titres depuis 2009. Une cinquantaine de personnes en régions sont mobilisées sur le biométhane, dont une dizaine vont à la rencontre des porteurs de projets. Nous co-pilotons avec l’Ademe le groupe de travail « injection » au sein du Comité national biogaz créé par Ségolène Royal. Et nous sommes également gestionnaires des garanties d’origine. Enfin, au-delà de notre rôle officiel de distributeur, nous favorisons les rencontres entre les différents acteurs autour d’un même projet.
Qui sont les acteurs les plus moteurs ?
Les coopératives et les chambres d’agriculture ont l’habitude de travailler en collectif mais cela prend du temps d’établir des contrats de répartition des bénéfices à dix. Par ailleurs, les projets multipartites impliquant également des industriels, des collectivités, etc., qui sont pourtant les plus solides dans la durée, sont les plus difficiles à financer.
Sur quels points devront porter les efforts dans les prochaines années ?
Pour atteindre l’objectif d’une centaine d’installations en 2018, outre les demandes portées par le SER, il va falloir travailler sur l’acceptabilité des installations. Le gaz renouvelable a une très bonne image mais les méthaniseurs peuvent parfois souffrir de l’image d’ « usines à déchets », et les blocages qui surviennent sont généralement dus à une méconnaissance du sujet.
Source de l’article La tribune l Auteur Dominique Pialot l Le 21 Avril 2016