En adoptant dans la loi de transition énergétique un objectif de 10 % de biométhane dans la consommation de gaz, la France ouvre les énergies renouvelables à un nouveau produit, le gaz qui va permettre qu’une véritable révolution s’opère dans le secteur de la mobilité. Les carburants traditionnels seront en partie remplacés par le GNV (Gaz Naturel pour Véhicules), carburant qui dispose de nombreux atouts pour la lutte contre la pollution aux particules fines tout en assurant une autonomie de plusieurs centaines de kilomètres. Déjà Paris a annoncé que tous les bus de la ville rouleraient au biométhane. Ikea et Auchan en exigent de même pour leur flotte de livraison. Le défi des pouvoirs publics consiste à créer une capacité de production suffisante pour être prêt à répondre à cette nouvelle demande. Outre l’adoption d’un objectif ambitieux, l’État a donc mis en place un tarif d’obligation d’achat sur 15 ans lancé dès novembre 2011, a accordé des aides à l’investissement pilotées par l’ADEME et a préparé des prêts bonifiés dans le cadre des territoires à énergie positive. D’autre part, pression est mise sur les industriels producteurs de déchets organiques afin que ceux-ci soient triés pour être méthanisés ou compostés. L’Union européenne, poussée par l’exemple des pays scandinaves qui commencent à proscrire l’utilisation du diesel dans les villes, n’est pas en reste. En plus de la mise à disposition d’aides du fonds FEDER, elle prépare actuellement un fonds de garantie à l’attention des banques françaises qui octroient des prêts aux projets de biométhane. Cependant, le rythme de raccordement de la capacité au réseau de gaz, même s’il s’accélère, reste lent : depuis 4 ans, 20 centrales de production de biométhane ont été mises en service en France, alors que l’Angleterre, qui a lancé son programme au même moment, compte 63 unités en exploitation. A cela trois raisons majeures : Aux croisements entre trois secteurs à la fois extrêmement techniques et réglementés que sont l’agriculture, le traitement des déchets et la production d’énergie, la filière doit faire face à de lourdes contraintes administratives lors de l’obtention des autorisations puis de l’exploitation des centrales. D’autre part, si la technologie de méthanisation est relativement bien maîtrisée, le refus des autorités d’utiliser des cultures énergétiques, dont on a vu les limites du modèle en Allemagne, impose aux fabricants industriels de technologie de s’adapter de cette méthanisation « à la française » plus instable car alimentée par des mix d’intrants sans cesse changeant. Enfin, le biométhane est la seconde génération du biogaz qui fut d’abord utilisé en cogénération d’électricité et de chaleur, et dont les difficultés financières de certains projets ont refroidi les établissements bancaires, avant que l’État ne décide fin octobre 2015 de revoir les conditions tarifaires. La force du secteur réside avant tout dans son imbrication avec la filière agricole, qui a compris que la valorisation du biométhane pouvait apporter une source complémentaire de revenus grâce à la vente de l’énergie et à l’épandage des digestats qui se substituent aux engrais chimiques. Elle en constitue véritablement le socle car c’est là que réside l’essentiel du pouvoir méthanogène utilisable. Quinze des vingt centrales actuellement en exploitation sont approvisionnées en substrats provenant de l’agriculture ou de l’industrie agro-alimentaire. Pérenniser le développement du biométhane permettra d’accélérer la révolution énergétique qui doit s’opérer dans la mobilité tout en soutenant une filière agricole en pleine crise de mutation. Cela passe par un assouplissement des procédures et par une meilleure visibilité aux acteurs économiques de la filière. Assouplissement des procédures en autorisant par exemple la prolongation du délai de mise en service aujourd’hui limité à 3 ans après l’obtention des autorisations ICPE. Accroître la visibilité en allongeant la durée du tarif d’obligation d’achat de 15 à 20 ans afin de rassurer le secteur bancaire et lui permettre de prêter sur des durées plus longues. Enfin cela passe surtout par la capacité des industriels du secteur à s’organiser en innovant afin de maîtriser un secteur extrêmement complexe, et de démontrer la viabilité de l’exploitation du biométhane en France. Source de l’article La Revue parlementaire l Le 9 Avril 2016 |